“Tout commence par un voyage mémorable : une automobile roulant à tombeau ouvert sur la route du Jura à Paris. Nous sommes en 1912. Dans cette voiture, se trouve Duchamp, en compagnie de Gabrielle Buffet, d’Apollinaire et de Picabia. De cette expérience cinétiquo-érotique où la puissance virginale de la Mariée (« l’automobiline, essence d’amour ») se conjugue avec le désir cylindré des célibataires (les « moteurs à explosion »), l’artiste tire l’exigence impérieuse d’une œuvre. Il faut en faire quelque chose. Cela le conduit au Grand verre, qu’il est juste d’aborder, dans un premier temps, comme la transposition plastique d’une expérience de pure vitesse. Voyage intensif, instantané et immobile, qui trouve son expression rigoureuse dans l’idée du déplacement invisible des formes dans un espace « sans orientation », mais à quatre dimensions (…) Il fallait que la ligne soit autre chose qu’un tracé, ou une trajectoire. Il fallait qu’elle fende pour ainsi dire l’espace lui-même. D’où l’idée de l’engendrer activement à partir d’une fiction d’espace, au lieu de se donner l’espace tout fait pour le sillonner en tous sens.”
- Elie During, Mondes virtuels et quatrième dimension : Duchamp, artiste de science-fiction, revue Alliage n°60 / Science fiction (article en ligne)