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Paris, circuit électrique (sur Pierre Huyghe)

Pierre-Huyghe-The-Host-and-The-Cloud-2009-2010-Image-from-14-February-2010-Courtesy-of-Marian-Goodman-Gallery-New-York-and-Paris-Photo-by-Ola-Rindal

MOTEUR

“The Host and the Cloud” (2009-2010) est un film de Pierre Huyghe actuellement présenté dans le cadre de sa rétrospective au Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou, jusqu’au 6 janvier 2014. Pierre Huyghe est un artiste français né en 1962 reconnu internationalement.

Le film a été tourné au musée abandonné des Arts et Traditions Populaires de Paris au cours de trois journées de fêtes (Saint-Valentin, Halloween et 1er mai). Lors de ces journées, l’artiste active le lieu en rassemblant comédiens, caméras et amis et en ouvrant une situation où “tout ce qui a lieu est réel, rien n’est joué”, adjoignant le dispositif de services d’hypnotiseurs, magiciens et autres activateurs d’états de conscience modifiée.

C’est un film d’une durée d’1h30, présenté ici par Emmanuelle Lequeux pour le magazine 02.

BOBINE

Nous ne reprendrons pas le film : nous n’en avons vu qu’un peu moins d’une heure, ainsi que les photographies et le petit texte du catalogue feuilleté chez Séverine et Sammy, fortement impressionné par l’exposition et qui me l’a recommandée.

Nous pouvons, en revanche, reprendre son effet et l’observer afin de voir comment il forme circuit en nous, et quelles nouvelles branches en bifurquent.

INTENSITE

Le film est d’une intensité folle : constitué de situations hétérogènes, fantasmatiques, le lieu ouvert par Pierre Huyghe m’a bondi dessus comme celui de la pulsion et de l’inconscient.

En mettant en espace, en situation, des personnages, des fictions et des narrations capables de générer des comportements dépouillés, par couches, de leurs représentations ; en mettant comédiens et public dans un lieu dont il écrit la potentialité en y parsemant des éléments de situation ; en extrayant la représentation de la frontalité et en la proposant en immersion, dans un espace dans lequel les tracés sont libres et mettent, du coup, notre armure morale en vertige, Pierre Huyghe signe à la fois un lieu absolu et une oeuvre d’art totale dont seul un film peut présenter une représentation communicable de façon rétrospective.

“The Host and the Cloud”, comme dispositif, ouvre une brèche dans le réel, un temps dilaté cristallisé dans un lieu et casse autant qu’il active l’invention de Morel (1). Il ouvre une porte d’exploration vers les fantasmagories individuelles et collectives autant qu’il figure l’absurdité du réel (2).

C’est une œuvre très forte.

TranseHyp

TENSION

Le film a agit sur moi comme une injection à retardement, m’assaillant, dès le lendemain, à plusieurs instants, par un circuit ouvert par la belle librairie La Cartouche à Jourdain, et l’achat de “La transe et l’hypnose”, dirigé par Didier Michaux chez Imago, “De la projection” de Sami-Ali et les “Rudiments païens” de Lyotard.

Puis, plus tard dans la nuit, sous les toits et en compagnie, être de nouveau assaillie par les questions ouvertes par cette proposition et celle même de la pulsion, la façon dont le dispositif de Pierre Huyghe est tout à fait à l’opposé de celui de l’Encyclopédie de Jean-Yves Jouannais. Penser à Twin Peaks, sa loge blanche et sa loge noire, à la façon dont David Lynch, au-delà de ses procédés narratifs, marque un espace physique, dans la forêt, pour l’accès à la pulsion et à l’ombre et dans lequel Agent Cooper doit pivoter pour avoir accès à l’inconscient de la communauté. A la fête, à la faille, à la vrille, à la potentialité, et à Teddy Adorno qui n’aurait pas assez dansé. A tout ce qui ne s’épèle pas et qui, ce soir, explosait en moi.

La tête me tournait franchement : il fallait que j’aille me coucher.

CONDENSATION

Ouvrir doucement le lieu de mon sommeil, un large salon sous verrière très haut de plafond dont deux lampes éclairent l’espace de façon verticale depuis le haut de la pièce, formant des zones d’ombre comme des zones blanches, de biais.

De grandes plantes, et tout une batterie d’ustensiles, de pots et de réserves d’une cuisine déménagée, remodèlent l’ombre, en la redépliant en zones de luminosités, de réflexions différentes.

Mon matelas est au fond, orienté vers un cadre duquel je m’imagine pouvoir voir la lune. “Il y a du vivant dans cette pièce” me dis-je, en pensant à l’ombre, aux plantes et à leur invisible agitation ; à la lune que je croiserai peut être ; à la légère humidité de mes draps lorsque je m’y glisse. “Il faut que j’éteigne”.

RESISTANCE

Travailler, dès le matin, montre en main, à prendre des notes depuis le catalogue ouvert, au petit-déjeuner ; reprendre les schémas, se noter “Bataille”, et constater, en me douchant, en m’habillant très vite, que non seulement l’intellect mais aussi les automatismes m’ont rapidement rattrapée.

De là, m’engloutir dans la ville, dans son flot d’inconfortables contrariétés. Paris est une ville qui donne peu d’espace à ses habitants : tout m’y paraît toujours un peu plus étroit à chaque fois. Est-ce là le destin de tous ceux qui l’ont quittée ?

COURT-CIRCUIT

Au café, deux filles. Elles parlent de lieux, d’empathie, de transe, de rythme, de rêves, de ritournelles ; d’objets que l’on tourne dans ses mains comme support de la pensée et de ceux qui, comme des fusibles, permettent à un circuit d’être ouvert comme fermé, régulé (3). Je quitte Raphaëlle très heureuse de l’heure que nous avons passée ensemble, et de la qualité de l’échange qui est en train de se tresser.

ONDE

Au dernier rang de l’avion qui me ramène à Berlin, je lis, ensommeillée, le premier article de “La transe et l’hypnose” sur les possédés somnambuliques, les chamans et les hallucinés.

La charge du texte me pousse, a un moment, a interrompre ma lecture et à me tourner vers le visage de mon voisin, un jeune allemand qui, en ouvrant les yeux, étend vers moi légèrement ses doigts d’un sifflement, tandis que mes mains font vers lui le même mouvement.

Dans l’avion, le ciel rose, nous vivons un instant flottant : mon retour à Berlin se fera le coeur léger, de ce rose qui, de l’art et du circuit, aura été.

  • Pierre Huyghe, rétrospective, Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou, jusqu’au 6 janvier 2014 / informations
  • Librairie La Cartouche, 1 rue Lassus 75019 Paris, du Lundi au Samedi de 10h30 à 13h30, et de 15h30 à 19h30 / sur Yelp
  • Didier Michaux (dir.), “La transe et l’hypnose”, Imago, 1995.
  • Pacôme Thiellement, “Et le Temps devint tout David Lynch”, Remue.net, 2013

(1) Adolfo Bioy Casares, “L’invention de Morel”, 10/18. Dans le roman de l’argentin Bioy Casares, l’invention de Morel est un machine célibataire, sans circuit et activée par la marée, qui recouvre une île de projections de personnages. Ce livre, préfacé par Borges et qui aurait influencé le film “L’année dernière à Marienbad” comme la série “Lost”, est un conte philosophique portant sur les notions de projection, de représentation, du réel et de la fiction.

(2) L’ambition de l’œuvre pour Pierre Huyghe serait d’échapper à « ces effrayants ready-made d’imaginaire dans lesquels on se love, comme la religion, ou la culture » in Emmanuelle Lequeux, “The Host and the Cloud”, revue 02.

(3) “Le fusible un organe de sécurité dont le rôle est d’ouvrir un circuit électrique lorsque le courant électrique dans celui-ci atteint une valeur d’intensité dangereuse (ou plus généralement une valeur d’intensité donnée) pendant un temps déterminé, ramenant ainsi l’intensité de ce courant à zéro.” Wikipedia

Un autre coin du Musée

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  • Musée de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, site internet

Il se passe quelque chose ici

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“Il est encore, en Occident, des lieux de l’enchantement, des endroits habités par l’invisible (…) Parfois, une seule pierre suffit pour susciter un lieu véritable autour d’elle, pour porter une histoire (…) En y pénétrant, même le rationaliste le plus acharné comprend qu’il ne se tient pas dans un lieu neutre. L’air qu’on y respire n’est pas le même que l’air du dehors, la qualité de la lumière non plus. L’espace y possède une étrange densité, une profondeur insondable, comme si quelque chose de la vie des hommes et des femmes qui y ont prié, aimé, souffert et rêvé avait persisté à travers le temps, en modifiant au fur et à mesure le site jusqu’à en faire ce qu’il est . Comme si un lieu était un organisme vivant, se métamorphosant sous l’effet du vent, du soleil et du temps qui s’écoule. Oui, se dit-on alors, quelque chose se passe ici.”

  • Jorn de Précy, Le jardin perdu, traduction Marco Martella, Actes Sud, 2011, pp 51-52
  • Galerie photo : Eugène Atget, Parc de Sceaux, 1925 sur Gallica

L’ossuaire de Douaumont dans la brume

Invités par Villa Morel à montrer un extrait du journal de bord de notre voyage à travers la France, voici l’épisode de l’Ossuaire de Douaumont.
Sammy & Séverine

Mardi 20 Novembre 2012

On reprend la route pour notre dernière étape : l’ossuaire de Douaumont près de Verdun. Encore une pause dans un bar tabac fumeur de bon matin dans un village. Plus on approche de la région, plus la brume se fait épaisse  et les monuments aux morts nombreux. On mange sur le parking des 3 mousquetaires avant de visiter l’énorme monument dont la première pierre fut posée le 22 août 1920 et inauguré 12 ans après. Quand on arrive sur le parking désert, on ne voit même pas la tour de l’ossuaire ni le bout du cimetière, perdu dans le brouillard. On ne voit rien à 3 mètres. Rentrant dans le monument, on écoute d’une oreille un guide qui raconte l’histoire de l’ossuaire à des enfants. Ce monument représente non seulement un obus dressé dans le ciel mais aussi une croix ou encore une épée plantée dans le sol en guise de symbole de fin de combat. A la boutique, en plus des livres et gadgets traditionnels on trouve des cartes postales de Pétain, grand vainqueur de cette guerre. Étrange. On visite aussi le village détruit de Douaumont où chaque maison est symbolisée par un nom ou une activité dans un sol totalement bosselé et troué, trace de destruction du village par des obus français et allemands.  Pour déminer totalement la région des obus non explosés tombés pendant la guerre, il faudra encore 300 ans nous rappelle le gardien de l’ossuaire. A peine sortis du périmètre du village détruit, des champs de batailles, des différents monuments aux morts et du cimetière infini de Douaumont (15000 tombes), le brouillard disparait et une aire de pique-nique nous tend les bras, c’est à peine si des écureuils ne nous font pas coucou de la main. Le royaume des morts est décidément bien local.

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La diagonale du vide

La diagonale du vide est une large bande du territoire français allant de la Meuse aux Landes où les densités de population sont très faibles (moins de 30 habitants par km²) par rapport au reste de la France, principalement suite à l’exode rural des XIXe et XXe siècles, puis au phénomène de métropolisation qui renforce les zones denses du pays depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Le terme a été inventé par la DATAR et décrit une réalité plus visible sur la carte des régions que sur celle des départements. Cet espace est intégré à une diagonale plus ample, transfrontalière, la diagonale continentale – Wikipedia

Talweg – Salle des pendus

  • Tract de Talweg, concert au Musée de la mine de Saint-Etienne, mai 2011.

Heretik à Molitor

Soirée Heretik à la piscine Molitor, Paris, 2001

Six continents déplacés

Les statues des six continents de l’ancien palais du Trocadéro (1878-1935) dans un terrain vague, à Nantes, où elles se trouvaient avant d’être transportées jusqu’à l’esplanade du Musée d’Orsay où elles sont désormais installées.

Portrait d’Angoisse

De l’autoroute, nous n’aurons rien vu