En 1862, Sarah Lockwood Pardee épouse William Wirt Winchester, le fils du fabricant de la célèbre carabine, et quitte son Connecticut natal pour la Nouvelle-Angleterre. En 1866, le couple perd son unique enfant, âgé de quelques semaines. Quinze ans plus tard, Sarah perd son mari, emporté par la tuberculose. Convaincue qu’elle est frappée par une malédiction, elle consulte un célèbre médium de Boston. Ce dernier lui assure qu’elle et sa famille sont poursuivies par les esprits de toutes les personnes mortes sous le feu des carabines Winchester, et qu’elle est sans doute leur prochaine victime. Selon lui, la seule alternative pour échapper à une mort certaine est d’apaiser ces esprits en déménageant sur la côte ouest et en leur construisant une demeure qu’ils pourront hanter. Afin que Sarah puisse leur échapper, cette maison ne devra jamais cesser d’être en construction.
En 1884, Sarah Winchester acquiert une ferme de 8 pièces près de San Jose, en Californie, et entame les travaux d’agrandissement, qui ont lieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept et dureront trente-huit ans, jusqu’à sa mort en 1922. Chaque soir, elle se retire dans un salon privé où les esprits lui soufflent les plans. Afin que ces derniers ne la prennent pas dans son sommeil, elle ne dort jamais deux nuits d’affilée dans la même chambre.
Aujourd’hui, la maison Winchester est une attraction touristique qui compte 6 étages, 160 pièces – dont 40 chambres -, 10 000 fenêtres, 2000 portes, 47 cheminées, 47 escaliers, 13 salles de bain, 6 cuisines, 1 ascenseur, et nombre de curiosités architecturales destinées à déjouer les esprits, comme des portes qui donnent dans le vide, des escaliers qui mènent à des murs, des fenêtres murées ou des trompe-l’oeil.
Cette maison hantée – ou plutôt à hanter, puisqu’elle a été construite dans ce but – est peut-être inspirée des célèbres Prisons imaginaires de Piranèse, où l’on remarque la même importance donnée aux espaces liminaires.
- Une histoire des maisons hantées, conférence de Stéphanie Sauget, invitée par Gisèle Vienne et Dennis Cooper dans le cadre du Nouveau Festival du Centre Pompidou (le 1er mars 2012)
- Stéphanie Sauget, Histoire des maisons hantées : France, Grande-Bretagne, États-Unis (1780-1940), Paris, Tallandier, 2011
- Le site officiel de la Winchester Mystery House